Grande manifestation le 28 septembre 2024 à Berne

Le 28 septembre 2024, Solidarité Tattes se joint à l’appel de Solidarité Sans Frontières et appelle à manifester à Berne une politique d’asile plus humaine. Retrouvez l’appel à manifester ci-dessous, et toutes les informations pratiques de la manifestation au lien suivant.

Entre nous, pas de frontières ! Nous voulons une société ouverte pour tou·xtes !

Personnes réfugiées et migrantes, sans-papiers et clandestin·es, personnes admises provisoirement et déboutées, personnes précarisées et exploitées, naturalisé·es et Second@s, personnes solidaires, groupes de base et organisations : Nous sommes tou·xtes séparé·es par des frontières visibles et invisibles.

Aux portes de l’Europe, les clôtures et les murs sont de plus en plus longs et hauts. La liberté de mouvement des personnes en fuite est massivement limitée. La violence, la misère et la mort sont devenues quotidiennes.

Une fois en Suisse, les personnes en fuite sont souvent isolées dans des camps éloignés. Qui n’est pas reconnu·e est expulsé·e sous la contrainte ou se retrouve au régime indigne l’aide d’urgence. Le système d’asile et de migration est marqué par l’exclusion et la privation de droits.

D’autres sont empêché·es de se former ou de travailler, leurs qualifications sont dévalorisées, leur force de travail est exploitée. Nombreux sont celleux qui sont réduit·es à leur condition d’immigré·ee et isolé·es par le racisme. Un quart de la population n’a toujours pas le droit de vote, se retrouve exclu des décisions politiques et laissé à la marge.

Le 28 septembre, nous montrons à Berne une autre réalité : nous faisons tou·xtes partie d’une société (post)migrante ouverte et diversifiée. Nous ne nous laissons pas diviser. Nous ne voulons pas de frontières entre nous !

Nous demandons :

– La liberté de mouvement plutôt que les frontières

– Droits et dignité plutôt qu’illégalisation

– Participation sociale plutôt que précarité

– La participation plutôt que l’exclusion

Invitation à une discussion autour du livre “Récits du bas seuil – Parcours d’une infirmière” en présence de son auteure

En collaboration avec la Coordination asile.ge et asile.ch, Solidarité Tattes vous invite à une discussion autour du livre “Récits du bas seuil – Parcours d’une infirmière” , en présence de son auteure Annelise Bergmann-Zürcher.

Annelise Bergmann-Zürcher a été infirmière dans le centre fédéral d’asile de Vallorbe pendant 11 ans. Cette rencontre sera l’occasion de débattre entre personnel de la santé, éducateur-rices, enseignant-es, de la vie dans les centres d’asile et des conditions de travail qui y prévalent.

Pour Genève: tout bientôt un Centre fédéral d’asile au Grand-Saconnex! le moment de se réveiller et de s’organiser!

Cette rencontre aura lieu à la Salle forum au Centre Social Protestant (Rez-de-Chaussée, rue du Village-Suisse 14, 1205 Genève).

Extraits du livre

“Dans le centre, il y avait une sorte d’omertà, tout était fait pour que les travailleur-euses ne se rencontrent pas. C’était difficile de se parler entre nous.”

” On se sent impuissant, donc mauvais, ça nous culpabilise de ne pas pouvoir faire le travail comme il faudrait, on a une mauvaise image de nous-mêmes. Et à la fin ça nous épuise.”

Procès de l’incendie du foyer des Tattes : rendons-nous en nombre au rendu du verdict!

Le mardi 4 juin à 17h, rendez-vous au rendu du verdict de l’incendie des Tattes (Palais de Justice, Bourg-De-Four) afin d’exiger que Justice soit enfin rendue! Des permis et des indemnisations pour les sinistrés de l’incendie!

En novembre 2014, on était sous le choc de la catastrophe qui s’était produite dans notre ville: dans la nuit du 16 au 17 novembre un incendie avait ravagé un des bâtiments du Foyer des Tattes, le plus grand centre d’hébergement pour requérants d’asile de Suisse, ce qui avait entraîné la mort d’un des résidents et la défenestration d’une quarantaine d’autres.

En février 2015, nous avons rencontré les sinistrés et nous avons aussitôt créé le collectif Solidarité Tattes pour soutenir les personnes affectées, comprendre les causes du désastre, réclamer que justice soit faite. Chaque année, en novembre, nous nous sommes rassemblé-es aux Tattes, sous la plaque apposée, par notre initiative au mur du Bâtiment I, pour commémorer ce drame qui aurait pu et qui aurait dû être évité, pour dénoncer la lenteur de la justice et pour redire aux sinistrés que nous ne les oubliions pas.

En 2022, nous avons suivi un procès bouleversant, avec la présence du père et du frère de Fikre Seghid, le jeune Érythréen mort dans l’incendie: celle de Steve, toujours affecté dans sa santé physique, avec des douleurs qui ne lui laissent de répit ni le jour ni la nuit; celle d’Ayop, débouté de l’asile et totalement bloqué au niveau de sa formation et son travail, alors qu’i9l est une des victimes gravement affectées par cet incendie; et celle de tous les autres, présents, muets, ne sachant ce qu’il y avait à attendre de tous ces discours souvent abscons, même pour les francophones. À l’extérieur du tribunal, nous avons poussé quelques slogans, nous avons même interpellé Poggia sur les escaliers du Palais de Justice.

Mais à l’issue de ce procès, les inculpés se trouvaient bel et bien dans les rangs des plus faibles: le défunt Fikre Seghid, les résidents qui fumaient et cuisinaient dans les chambres et les Protectas impréparés matériellement et psychologiquement à la gabegie de la nuit du 16 au 17 novembre 2014. Et l’État: blanchi! En la personne du responsable de la sécurité incendie de l’Hospice général! Entre 2014 et 2022, il aura fallu 8 ans à la justice pour rendre l’injustice.

En mars 2024, pour le procès en appel, le public était moins motivé. Quelques plaignants (une partie des sinistrés) étaient présents le lundi matin, puis ne se sont plus présentés. Que pouvait-il bien se passer de nouveau dans ce procès en appel? Pourtant, la plupart des plaidoiries ont frappé sur la même tête: le coordinateur de la sécurité incendie de l’Hospice général semble être désigné cette fois de manière claire et sans appel. Ce soir, 10 ans après les faits, nous sommes là pour écouter le verdict. Si l’accusé n’est pas le responsable incendie de l’hospice général, si ce n’est pas l’État, alors le Palais de Justice doit se reconvertir en théâtre ou en salle de jeux.

État, condamné! Indemnisations pour tous! Permis B pour tous!

Solidarité Tattes

Manifestation le 23 mars pour le Droit au logement

Le 23 mars aura lieu à Genève une grande manifestation pour le Droit au logement pour touxtes, Solidarité Tattes appelle à soutenir cette manifestation car le mal-logement concerne évidemment AUSSI les personnes migrantes, peu importe leur statut légal (RDV 16h Poste du Mont-Blanc).

Appel de Solidarité Tattes à soutenir la manifestation du 23 mars

Les personnes migrantes, peu importe leur statut -avec permis précaire ou sans-papiers- sont en première ligne lorsqu’il s’agit de logement, ou plutôt de mal-logement. Pour ces personnes, le mal-logement est une réalité qui complique et menace leur vie, semant le désespoir et parfois, oui, la mort. Ce mal-logement est la conséquence directe de la politique d’asile suisse ou de l’illégalité dans laquelle vivent les sans-papiers.

Pour les résident-e-s de Centre Fédéraux d’asile et de foyers, dans lesquels il n’est tout simplement pas possible de disposer d’une intimité, où le moindre de leurs faits et gestes est contrôlé par des agents de sécurité n’hésitant pas à frapper et à humilier au besoin, où il n’est pas possible d’aller et venir librement, le mal-logement est une réalité.

Pour les résident-e-s de bunkers, qu’on a rouvert récemment parce qu’on ne veut pas les accueillir autrement, qui vivent dans la promiscuité et n’ont pas accès à la lumière du jour, et dont on associe systématiquement l’arrivée avec une prétendue hausse de la criminalité dans le quartier, le mal-logement est souvent vécu comme une torture.

Pour les résident-e-s de foyers insalubres, dans lesquels une étincelle suffit à générer un incendie et où les normes de sécurité peuvent entraver leur fuite en cas de danger, le mal-logement est un danger permanent. On n’oubliera jamais l’incendie du foyer des Tattes qui a causé la mort d’une personne et en a traumatisé tant d’autres à vie, ni ceux répétés du foyer de la Poya à Fribourg, ni tous les autres.

On les oublie trop souvent, mais pour les sans-papiers aussi le mal-logement est une funeste réalité. Sans droits pour se défendre, victimes de marchands de sommeil, entassé-e-s à dix voir beaucoup plus dans des appartements insalubres, déplacé-e-s par surprise en pleine nuit d’appartement en appartement pour éviter que se tissent des liens de solidarité, payant des loyers indécents et escroqués parce que sans droits; pour elles et eux aussi, le mal-logement complique cruellement leur vie.

En 2015 le mouvement No Bunkers avait permis de démontrer à quel point loger les personnes migrantes sous terre était inacceptable. Aujourd’hui, 8 ans plus tard, on dirait que les autorités n’ont rien appris. Les autorités cantonales et fédérales doivent arrêter de faire semblant d’être “dépassées” par les flux migratoires, et découvrir du jour au lendemain que les foyers sont soudainement pleins à craquer ! Tout cela est prévisible, et même en cas d’évènement inattendu d’autres solutions sont possibles. Un autre accueil est possible, si on a la volonté politique de le faire.

Alors oui : toutes les personnes migrantes quel que soit leur statut ont droit à un logement digne, le droit au logement est un droit humain !

Non à la réouverture des bunkers pour les personnes dans l’asile: nous ne sommes ni amnésiques, ni résigné·es!

Fin 2023, le premier abri de protection civile à destination des personnes demandant l’asile, un «bunker», rouvrait à Thônex. Le second ouvrira à Plan-les-Ouates en mars 2024. Retour à la lutte «No Bunker» de 2015? Pas tout-à-fait, car il s’agit à présent de bunkers gérés par la Confédération, des Centres fédéraux d’asile (CFA) miniatures, en attendant l’ouverture du sinistre CFA du Grand-Saconnex.

No bunkers, encore et toujours!

Nous sommes toujours scandalisé·es par l’idée même de loger sous terre, comme des rats, des personnes qui viennent demander asile en Suisse, un des pays les plus riches du monde. Ce n’est pas un accueil que de proposer à des personnes de vivre sans fenêtres, sans cuisines, dans des espaces condensant plus de 100 lits, avec douches et toilettes collectives. Pour les personnes concernées, c’est une indigne punition et pour nous, c’est une honte.

Une gestion privée

Aujourd’hui, s’ajoutent deux éléments nouveaux par rapport à la lutte de 2015. D’abord, une prise en charge par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et plus par l’Hospice général. Le SEM délègue la tâche de gestion à une entreprise privée (ORS) qui organise tout dans l’abri PC: de la sécurité à l’infirmerie en passant par l’animation. Ensuite, les personnes placées dans ces lugubres endroits sont arrivées très récemment en Suisse: ils (car pour l’instant il n’y a que des hommes) sont dans les 140 premiers jours après le dépôt de leur demande d’asile, avant d’être attribués à un canton. Difficile pour eux de critiquer cet indigne hébergement alors que leur arrivée est si récente…

Conditions de vie carcérales

Fin février, nous sommes passées voir le bunker de Thônex pour nous faire une idée. Nous n’avons pas eu le droit d’entrer, mais nous avons récolté quelques informations intéressantes:

  • Des horaires de sorties (de 9h à 19h) restrictifs et des fouilles corporelles systématiques à l’entrée par des Securitas, y compris après être juste sorti fumer une cigarette, qui démontrent sans conteste le caractère carcéral de l’endroit.

  • Des interdits sur les aliments et les objets pouvant entrer dans le bunker (sachez par exemple que les guitares sont interdites…).

  • Des billets de transport public pour 1 journée par semaine uniquement, qui limitent les possibilités de se déplacer sur le Canton et surtout d’établir des liens avec la population genevoise.
  • Une allocation financière de 20 CHF par semaine qui empêche toute autonomie.

À Thônex, il y a 132 lits, pour l’instant moins de la moitié sont utilisés. De notre côté, nous continuons à exiger la fermeture immédiate de ces lieux impropres à l’habitation !

No bunker

Pour des logements dignes pour les personnes migrantes

Manifestation pour la fermeture des bunkers en 2015 (Genève)

Procès de l’incendie des Tattes : verdict imminent, soyons prêt-e-s!

Incendie meurtrier du foyer des Tattes, rendu du verdict imminent

Soyons prêt-e-s !!!

Le procès en appel des Tattes s’est terminé cette semaine, mercredi 6 mars. Les juges ont décidé de rendre leur verdict oralement à l’occasion d’une audience publique qui devrait avoir lieu ces prochains jours. Nous communiquerons la date de l’audience dès que nous en aurons connaissance.

Nous appelons les associations, collectifs et toute personne sensible aux questions de justice sociale, à se tenir prêt.e.s. Soyons nombreuxses à remplir la salle d’audience! 10 ans après les faits, dénonçons la lenteur du système judiciaire et montrons-nous solidaires avec les sinistrés qui n’ont toujours perçu aucune indemnisation, ni de permis B !!!

Venons soutenir Fikre Seghid, l’homme décédé dans le terrible incendie! Refusons ensemble le système inhumain de l’asile suisse qui “place” les requérant.e.s dans des logements inadaptés, insalubres et dangereux !!!

Interview par Solidarité Tattes de Me Laïla Batou

À la suite du procès, Viviane Luisier de Solidarité Tattes a interviewé  Me Laïla Batou, avocate de cinq parties plaignantes au procès de l’incendie du Foyer des Tattes, afin d’avoir son impression sur les suites de cette affaire.

Sol. Tattes : Cette semaine se terminait le procès des responsables de l’incendie du Foyer des Tattes devant la Cour d’Appel. Pourquoi s’agit-il d’une affaire d’intérêt public ?

Me Laïla Batou : Il y a un enjeu humanitaire, car elle interpelle sur la façon dont Genève traite les personnes les plus vulnérables, mais aussi un enjeu démocratique, dans le fait que l’Etat se retrouve à juger l’un de ses agents. Cette procédure met en jeu la séparation des pouvoirs.

Sol. Tattes : Dix ans après les faits, est-ce que la situation n’est pas complètement embourbée ?

Me L.B. : Pas du point de vue de la procédure. Au contraire, on commence enfin à y voir plus clair dans le déroulement des faits et les responsabilités qu’ils révèlent. Il a été difficile d’amener le fonctionnaire en charge de la sécurité du Foyer (ci-après : le Coordinateur incendie) sur le banc des accusés. Mais c’est sur ses manquements que se sont focalisés les débats d’appel.

Sol. Tattes : Pourquoi n’était-il pas en cause depuis le début ?

Me L.B. : Au lendemain du drame, tout le monde est tombé sur les occupants de la chambre qui a pris feu. C’étaient les coupables idéaux : l’un et l’autre avaient des petits casiers judiciaires, ils étaient ivres au moment des faits et avaient cuisiné et fumé dans une chambre alors que c’était interdit par le règlement du foyer. Et pourtant, on pouvait légitimement s’étonner qu’un départ de feu puisse avoir de telles conséquences : deux asphyxies dont une mortelle, et une quarantaine de défenestrations… N’y avait-il pas un problème plus structurel ? La procureure Viollier, alors en charge du dossier, a accepté de se poser la question.

Deux explications se sont alors affrontées : la nôtre, qui mettait en cause la sécurité du foyer, et celle du responsable de cette sécurité, pour qui les victimes avaient cédé à la panique pour des raisons « culturelles ». Rapidement, nous sommes parvenus à montrer que les agents de sécurité présents sur le site s’étaient comportés de façon complètement erratique, et que c’est ce qui avait donné cette ampleur au drame. Il a fallu plus de temps pour faire entendre que ces agents n’avaient peut-être pas été correctement instruits et formés, ce qui était de la responsabilité du Coordinateur incendie.

Sol. Tattes : Quelles ont été les étapes de cette prise de conscience ?

Me L.B. : Aussi étonnant que cela puisse paraître, après quatre incendies dévastateurs sur le site dont il était responsable, le Coordinateur incendie a d’abord été entendu comme témoin par le Ministère public. La Procureure Viollier a toutefois décidé de faire expertiser le bâtiment, et elle a eu le bon sens de confier cette tâche à des experts non-genevois. L’expertise, livrée en 2017, arrivait à la conclusion que vu son utilisation, notamment son extrême densité de peuplement, le bâtiment était si dangereux que se posait la question de sa fermeture immédiate !

La responsabilité du Coordinateur incendie ne pouvait plus être écartée d’un revers de main. Il a donc été réentendu en procédure, non plus en qualité de témoin cette fois-ci, mais en qualité de « personne appelée à donner des renseignements », soit un possible futur prévenu. Les déclarations qu’il a faites à ce moment-là étaient particulièrement accablantes pour lui : il en ressortait que les procédures qu’il avait mises en place pour gérer l’apparition d’un sinistre étaient extrêmement confuses, même à ses propres yeux.

Sol. Tattes : Il a donc été mis en prévention ?

Me L.B. : Pas du tout. Malgré les conclusions de l’expertise et malgré ses déclarations complètement aberrantes, la nouvelle Procureure en charge du dossier l’a tout simplement sorti de la procédure. Elle a renvoyé en jugement les deux occupants de la chambre d’où était parti le feu et deux agents de sécurité qui avaient eu le réflexe d’éteindre le feu avant d’évacuer le bâtiment.

Nous avons dû saisir l’autorité de recours pour forcer la Procureure à mettre en accusation le Coordinateur incendie.

Ce n’était là qu’une étape. Car au procès de première instance, la Procureure a pour ainsi dire plaidé son acquittement dans son réquisitoire, ce qui est pour le moins inhabituel. Plus inhabituel encore : l’un des plaignants, soit l’Hospice général lui-même, présent au procès pour demander l’indemnisation de son dommage matériel, a lui aussi plaidé en faveur de ce prévenu – qui n’était autre que son propre agent !

Sol. Tattes : Et alors, le résultat des courses ?

Me L.B. : Le juge ne s’est pas senti contraint d’examiner sérieusement la violation, par le Coordinateur, de son devoir de diligence. Il n’a pas daigné constater que les mesures prises par le Coordinateur sur ce site à hauts risques étaient gravement insuffisantes, voire qu’elles avaient accru le danger pour les résidents. Le juge n’a pas non plus tenu compte de la désinvolture que trahissaient les déclarations confuses et contradictoires du Coordinateur tout au long de la procédure.

C’est ainsi qu’il a condamné les deux agents de sécurité qui avaient privilégié l’extinction sur le sauvetage, et le résident de la chambre d’où le feu est parti. Il a en revanche été contraint d’acquitter l’autre résident accusé, qui n’avait fait que passer la soirée dans la chambre qui a brûlé.

Sol. Tattes : Pourquoi dites-vous que les mesures prises par le Coordinateur ont accru le danger pour les résidents ?

Me L.B. : Pour prévenir le risque incendie, il y a trois axes d’intervention : le constructif, le technique et l’organisationnel.

S’agissant du constructif, le Coordinateur a fait installer des portes coupe-feu en métal qui, en cas d’incendie, ne peuvent plus s’ouvrir sans clé dans le sens de l’entrée, même avec des outils de force. Or, il a omis d’équiper ces portes de serrures SI. S’agissant du technique, il a fait installer une centrale de détection d’incendie, mais cette dernière n’était pas, ou pas encore, raccordée au SIS. Autrement dit, pour être alertés, et ensuite pour accéder au bâtiment, les pompiers dépendaient de « quelqu’un » sur le site.

C’est une situation assez dangereuse. En tous cas, cela suppose que ce « quelqu’un » soit défini avec précision, qu’il sache exactement ce qu’il doit faire et qu’il développe des réflexes : c’est l’axe organisationnel.

Or, les agents de sécurité présents sur le site pensaient tous que la centrale de détection avertissait directement les pompiers ! Ils ignoraient aussi que les pompiers n’avaient pas de clés permettant d’accéder aux étages.

Sol. Tattes : Mais cela n’explique pas pourquoi les résidents se sont défenestrés…

Me L.B. : Les agents de sécurité ont manifestement paniqué à la vue du feu. Ils ont cherché à l’éteindre avant que les pompiers aient été alertés et avant d’évacuer le bâtiment, et pour cela ils ont ouvert la chambre en feu. La fumée a envahi le chemin de fuite, bloquant les résidents encore endormis dans leurs chambres. La plupart ont été réveillés en sursaut alors que le bâtiment était déjà sens dessus-dessous. Personne n’avait jamais pris la peine de leur dire ce qu’il fallait faire en cas de feu, ni même de leur fournir le numéro de téléphone des pompiers. Personne n’était là pour leur dire quoi faire, et ils n’avaient aucune instruction à remobiliser pour calmer la panique.

Sol. Tattes : Le Coordinateur incendie pouvait-il s’attendre à un tel mouvement de panique ?

Me L.B. : Evidemment. D’abord, parce que les risques liés à la panique en cas d’incendie sont notoires, ce qu’il savait en tant qu’expert. Ensuite et surtout, parce que des personnes s’étaient déjà défenestrées lors de l’incendie de 2011, avec un bilan de 13 blessés dont cinq graves.

Sol. Tattes : Mais était-il vraiment en mesure de le prévenir ?

Me L.B. : Bien entendu. Il avait constaté depuis 2011 qu’il devait installer des consignes sur le comportement à adopter en cas d’incendie dans tous les bâtiments, et ne s’est jamais exécuté. De même, il connaissait depuis 2013 son obligation légale de procéder à deux exercices d’évacuation pour entraîner son personnel et les résidents. Non seulement il n’en a organisé qu’un seul, en avril 2014 ; mais en plus il en a exclu un bâtiment entier : celui des hommes célibataires en cours de procédure d’asile ou déboutés, dont il craignait qu’ils prennent d’assaut les bus TPG ou n’investissent le magasin IKEA situé à proximité. Le premier juge n’aurait jamais dû recevoir cet argument : le Coordinateur n’est pas garant des intérêts d’IKEA ou des TPG, c’est à la police de s’en occuper. Lui, son travail, c’est de protéger la vie et la sécurité de tous les résidents du Foyer, sans distinction de sexe ou de statut légal.

Sol. Tattes : Et maintenant, que va-t-il se passer ? Quels sont vos pronostics ?

Me L.B. : C’est un dossier sensible, et une page sombre de l’Histoire de Genève, mais Genève peut faire mieux, si elle accepte de se remettre en question sur la base des faits tels qu’ils se sont réellement produits. Ce n’est pas facile, pour l’Etat, d’admettre que l’Etat a fauté, mais ce dossier ne permet pas vraiment de tirer une autre conclusion. Personnellement, je continue de croire à la séparation des pouvoirs.

 

4-5-6 mars 2024: Procès en appel concernant l’incendie des Tattes

Non, ce n’est pas fini. Oui, ça fera 10 ans cette année.

Et Monsieur X, responsable en 2014 de la sécurité incendie de tous les CHC (centres d’hébergement collectifs) du canton n’est toujours pas déclaré coupable ni condamné.

Et les sinistrés (une quarantaine, dont 1 mort et 2 personnes gravement lésées dans leur santé physique et psychique) ne sont toujours pas dédommagés et n’ont toujours pas tous reçu un permis B. Parmi eux, Ayop Aziz, vous vous rappelez? Maudet avait essayé de l’expulser vers l’Espagne quelques mois après la catastrophe où Ayop s’était gravement blessé en sautant du 3ème étage pour échapper aux flammes. Il est toujours là, avec une balafre sur le front et un « papier blanc » qui ne donne droit qu’à l’aide d’urgence (10 fr. par jour pour vivoter dans notre ville).

(Pour rappel de ce qui s’est dit au procès de décembre 2022, voir: Procès des Tattes : 8 ans pour rendre l’injustice.)

«La lenteur de la justice»… on se dit que c’est normal, il y a tellement de cas à traiter, les fonctionnaires ne peuvent pas faire mieux, ne peuvent pas aller plus vite. Mais la lenteur de la justice, ce n’est pas un problème de désorganisation dans les institutions qui doit susciter notre compréhension: c’est une volonté politique malhonnête qui permet à la justice de ne pas s’appliquer.

Car comment rendre justice dans l’affaire des Tattes, après tellement d’années, pour obtenir les témoignages de personnes qui ont quitté la Suisse pour la plupart d’entre elles? Comment rendre justice aux plaignants de Giffers qui ont subi les violences des Protectas, alors qu’après plusieurs années ils ont disparu dans d’autres pays européens, vivant dans la rue pour plusieurs d’entre eux? Comment rendre justice, après plusieurs années, en ce qui concerne le suicide d’Ali Reza, décédé en 2019, alors que sa famille vit à l’autre bout du monde et que ses amis sont dispersés en Suisse et ailleurs?

4-5-6 mars 2024: 10 ans pour rendre l’injustice.

Réservez déjà ces dates pour venir soutenir les personnes incriminées et les avocates qui les défendent!

Commémoration des sinistrés – (https://asile.ch/2020/11/17/) 

STOP AUX RENVOIS DUBLIN VERS LA CROATIE

Une conférence de presse a eu lieu le 1er novembre  2023 à Genève afin de dénoncer l’inhumanité des Renvois Dublin.

Des personnes concernées par ces renvois ont pris la parole à cette occasion. Solidarité Tattes s’est également exprimé à cette occasion.

Vous trouverez ci-dessous en vrac les prises des paroles et les témoignages ayant été exprimés à cette occasion.

Prise de parole de Solidarité Tattes et de la Coordination asile.ge:

Nous, collectifs de soutien et personnes concernées, sommes ici pour dire que les renvois vers la Croatie sont inacceptables. En juin 2023, nous avons écrit au Conseil d’Etat genevois pour demander une rencontre urgente afin de leur exposer la situation. Nous sommes toujours en attente de cette rencontre. En attendant, l’Office cantonal de la population continue d’augmenter la pression sur les personnes menacées de renvois. Et les personnes concernées vont de plus en plus mal!

Depuis plus d’une année maintenant, des collectifs de toute la Suisse noncent ces renvois, qui sont exécutés au mépris des droits humains des personnes. Les violences subies par les personnes migrantes sont innombrables, à la frontière comme à l’intérieur du pays. Les conditions d’accueil sont faillantes. L’accès aux soins est souvent impossible. La Croatie n’est pas un pays sûr pour les réfugié·es.

Des rapports ont été publiés à ce sujet, notamment par l’association Solidarité sans frontières, qui s’est rendue sur place. L’Organisation Suisse d’Aide aux Réfugié·es (l’OSAR) et la section suisse dedecins du Monde recommandent de cesser immédiatement les renvois vers la Croatie.

En juin dernier, un greffier du Tribunal administratif féral a missionné à la suite d’un arrêt de principe rendu concernant le renvoi de requérant·es d’asile en Croatie. Il parle de «cas de conscience» et de «nuits d’insomnie», avant de choisir de rendre son tablier par refus d’aller contre l’intérêt public.

La Suisse possède pourtant une marge de manœuvre légale pour ne pas effectuer les renvois des personnes vulnérables, mais elle ne l’utilise presque pas. Comme souvent, le Secrétariat d’Etat aux migrations reste sourd et aveugle aux situations de vulnérabilité des personnes concernées. Seules les statistiques comptent: renvoyer un maximum, ne pas entrer en matière sur le plus de demandes d’asile possibles, quel qu’en soit le prix (pour les personnes concernées).

Actuellement, une vingtaine de personnes et familles se trouvent à Genève et sont menacées de renvoi vers la Croatie. Nous allons leur laisser la parole pour raconter pourquoi ces renvois doivent cesser. Les témoignages que vous allez entendre sont l’illustration de ce que subissent tous les jours les personnes en exil en Croatie, mais aussi ici, en Suisse. Car les conséquences de la menace d’un renvoi qui plane pendant des semaines, des mois, voire plus d’un an, sont dramatiques pour la santé de beaucoup de personnes.

La machine à expulser est lancée et ne ralentit pas. La menace du renvoi plane et cette attente dans l’insécurité est la source d’une violence psychologique insupportable. C’est pourquoi, aujourd’hui, nous demandons à pouvoir être reçu·es rapidement par le Conseil d’Etat et qu’il intervienne auprès des autorités à Berne pour exiger la fin des renvois. Avant qu’il ne soit trop tard. Avant le renvoi de trop.

Les renvois vers la Croatie doivent cesser !

Solidarité Tattes & la Coordination asile.ge

Témoignages

Violences à la frontière

« J’ai essayé d’entrer en Croatie le 13 septembre 2022. Mais la police croate nous a attrapés. On a subi un pushback très violent : ils nous ont fait monter dans leur voiture comme si on était des prisonniers et ils nous ont laissés dans une forêt, près d’une rivière. On était de nouveau en Bosnie ! Ils ont frappé les hommes de notre petit groupe. On a passé la nuit dans cette forêt, dans le froid et la peur.

Le 15 septembre 2022, on a essayé d’entrer encore une fois en Croatie et la police nous a attrapés de nouveau. On a dit qu’on voulait juste passer notre chemin. Alors ils nous ont emmenés, et cette fois-ci, c’était pour nous mettre dans une véritable prison. On est resté douze heures sans de l’eau à boire et sans nourriture, sans soins, sans médecin. Dans une seule chambre, on était plus de 25 personnes. Il y avait entre nous des bébés, des femmes enceintes, des personnes malades, dont moi-même qui étais enceinte de presque six mois. Je me suis évanouie une fois là-bas et à mon réveil, j’ai deman si je pouvais avoir de l’eau, mais ils se sont moqués de moi.

Alors ici, en Suisse, quand on nous envoie la cision négative, on nous dit de retourner en Croatie. Comment les personnes qui m’ont repoussée pourrait maintenant me recevoir, alors que j’ai en plus un bébé ? Non, je n’y retournerai pas. La violence continue, ici et maintenant. Quand c’est que j’aurai la paix ? Le SEM s’en fiche des interviews, il ne m’a pas écoutée. »

Témoignage de Christa

Violences dans la Croatie

« Nous avons pris le train direction Zagreb. Mais avant l’arrivée, le train a stoppé en rase campagne, la police est montée et nous a interpellés. Je pense que c’est le contrôleur qui nous a noncés, même si on avait des tickets.

La police nous a deman de sortir et de nous aligner. Ils nous ont alignés comme des malfrats, comme des criminels. Ils nous ont fouillés. Ils ont pris nos téléphones, on n’avait plus internet, on ne pouvait plus s’orienter. Ils ont pris notre argent, nos écouteurs, nos montres, nos chargeurs. Ils se disputaient entre eux nos objets de valeur : « Hier tu as eu ça, c’est pour moi aujourd’hui ! »

Ils nous ont fait monter dans leur fourgonnette grillagée aux vitres opaques. On était entassés comme des animaux. Ils roulaient très vite, ils freinaient brusquement, on se cognait les uns aux autres. On criait, on pleurait, certains se sont urinés dessus. On a roulé ainsi pendant environ 1h30. Et… on était de nouveau à la frontière avec la Bosnie.

Un à un, ils nous ont fait sortir. Et là, ils nous ont tabassés copieusement. Cela durait de longues minutes, il pouvait y avoir dix policiers sur toi, ils avaient des bagues de frappe. On entendait les cris de ceux qui se faisaient battre. Ensuite, ils leur disaient : « Go ! », et ils les repoussaient de l’autre côté de la frontière en Bosnie.

Mon ami Alain a été frappé, puis mon tour est arrivé. Je suis sorti, il faisait nuit noire, il n’y avait que leurs torches. J’ai vu un corps au sol et j’ai bientôt compris que c’était mon ami.

J’ai commencé à dire mes dernières prières. Ils ne contrôlaient pas où ils frappaient, j’étais comme un sac de boxe et c’était à qui taperait le plus fort. Les femmes étaient tapées aussi. Pas les enfants, mais les ados, oui. Ensuite, ils ont entrechoqué nos téléphones dans un sac avant de nous les rendre. Sans les cartes SIM. La plupart des téléphones étaient cassés.

J’ai vu que c’était mon ami qui était au sol. J’étais tellement traumatisé par la douleur que je ne comprenais plus. Je lui ai dit : « Alain, lève-toi, on part », mais il ne se levait pas. A plusieurs, on l’a amené de l’autre côté de la frontière. On n’arrivait pas à le réanimer. On lui faisait des massages cardiaques. Il avait la tête fendue et il saignait. Ça a duré jusqu’au petit matin.

Il était tout glacé, presque raide, sans pouls. On sentait bien qu’il était mort. J’ai pris une dernière photo de lui. Les policiers ont tiré en l’air en nous disant de gager et c’est là que tout le monde s’est enfui. On a été obligés d’abandonner Alain. Quand on est arrivé ici, on a pensé que c’était enfin la justice, la mocratie.

La Suisse, elle sait très bien comment c’est, la Croatie. Ils nous ont entendus, on a tous dit les mêmes choses. Alors la Suisse est complice avec la Croatie. La Suisse paie la Croatie pour qu’elle reprenne des migrants, au lieu de parler des sanctions à prendre contre la Croatie. »

Témoignage de Merlin

« C’est quand la police croate nous a attrapés à la frontière que j’ai su qu’on arrivait de Bosnie. Ils étaient deux, je revois même leurs visages. Ils nous ont fait coucher au sol, ils ont confisqué les téléphones et ont commencé à nous battre avec des matraques, avec leurs fusils. Ils tiraient près de nous pour nous faire peur. Je passe ainsi une journée et une nuit sous la pluie, sans manger ni boire. Sous les coups, je perds connaissance deux fois.

Puis les familles sont séparées du groupe. J’ai trouvé une fille avec son petit frère, on a dit qu’on était ensemble. On nous emmène. J’ai réclamé mon « frère », et eux, ils ont recommencé à me frapper fort. En réalité, ce « frère » a subi un pushback. Moi, les policiers croates m’enferment dans les toilettes d’un poste de police. J’ai passé la nuit avec un policier pour me surveiller. deux jours sans manger ni boire. Quand j’ai perdu connaissance, ils m’ont apporté des bouts de pain qu’ils ont jetés sur le sol et qu’ils ont piétinés. Ils m’ont dit : « Take that, monkey ». J’ai dû boire l’eau des toilettes. J’étais épuisé, je me suis endormi. C’est là, vers quatre heures du matin, que le policier m’a violé.

J’ai raconté tout ça au SEM et je leur ai dit que s’ils voulaient me renvoyer là-bas, il fallait me donner un cercueil.

L’après-midi, on est venu me chercher pour prendre mes empreintes et me faire signer des papiers, mais je ne voulais pas. Tout était écrit en croate. Mais les policiers m’ont menacé, l’un d’eux a gainé son revolver et m’a posé le canon sur la tempe. Ils m’ont dit : si tu ne signes pas, on t’éclate la tête. Alors j’ai signé.

Une fois dehors, je couvre que je suis à Zagreb. Je suis contrôlé et battu une nouvelle fois. Ensuite, j’arrive à passer en Slovénie, puis en Italie, puis en Suisse. Au Burundi, j’ai fait du bénévolat pour la Croix-Rouge, alors je connaissais Henry Dunant, Genève et sa tradition humanitaire. J’ai pensé qu’on me comprendrait.

Les violences, c’est aussi à Zagreb, pas seulement aux frontières. Il y a des violences dans le pays. En Croatie, on a échappé à la mort. Alors dire qu’on te renvoie en Croatie…, la Suisse te livre à la mort. »

Témoignage de Mandy

« Je suis arrivé en Serbie dans un camp en février 2022. Ma femme m’a rejoint en juillet avec notre enfant qui avait alors 6 mois. Nous voulions aller en Belgique, mais nous avons reçu des informations qui disaient que là-bas, on devait dormir dehors. C’était l’approche de l’hiver et je pensais que ce n’était pas possible pour mon enfant. Alors nous avons quitté la Serbie pour la Suisse.

Nous avons fait 4 tentatives pour passer de la Bosnie en Croatie. Chaque fois, il y avait un pushback, avec les menaces, les chiens et les tirs en l’air pour nous faire peur. Nous arrivions à la fin de notre argent, on pensait qu’on allait mourir de faim, alors on a ci d’essayer encore d’entrer en Croatie, même avec les insultes et les coups.

Les policiers ont séparé les hommes des femmes, ils nous ont pris à part pour nous battre. Ils nous tapaient avec des matraques et ils nous insultaient. Ensuite on nous a mis dans des camions et on nous a conduits une nuit en prison, tous ensemble avec les femmes et les enfants. Sans couverture et sans matelas. Nous avons ôté nos vêtements pour couvrir notre enfant. Sans nourriture, même pas pour notre enfant.

Moi, je ne savais rien sur Dublin, mais on avait tellement peur qu’on a tout accepté : nous avons donné nos empreintes, nous avons pris le papier des 7 days. On nous a laissés devant une gare. On a deman comment faire pour aller à Zagreb. Arrivés là-bas, on a contacté ceux qui avaient passé la frontière avant nous et ils nous ont dit comment faire pour arriver jusqu’en Suisse.

Avec ma femme, on a eu nos entretiens but cembre de 2022. Depuis ce moment, aucune nouvelle, jamais ! J’ai réussi à savoir que notre demande avait été refusée et que la juriste de Boudry avait fait recours. Mais je n’ai jamais pu lire un papier officiel concernant notre situation. Je ne sais pas quand se termine notre Dublin, je crois que c’est fin octobre selon mes calculs, mais rien n’est sûr.

J’ai besoin de vivre dans un lieu sûr, la Croatie ne me semble pas sûre. On ne peut pas vivre en paix dans un pays raciste, un pays qui dit nous haïr. Je n’oserais jamais rien y demander, ils me font trop peur. »

Témoignage de Joseph

Impacts psychologiques

« C’était l’hiver, il y avait de la neige. On a passé deux semaines dans la forêt, 2 semaines ! Et c’était pas à la frontière, c’était à 40 km de la frontière, c’était dans la Croatie. Là-bas, c’était horrible. Même avec des bonnes conditions, on ne peut pas retourner dans un endroit où on a été tellement traumatisés. On a eu peur des policiers. Et maintenant, j’ai toujours peur des policiers, même ici en Suisse.

Pourtant on leur avait dit qu’on ne voulait pas demander l’asile chez eux. On n’a pas voulu demander l’asile. La police nous disait qu’il fallait juste leur donner nos empreintes, c’est tout. Et maintenant, comment je vais demander l’asile à un pays qui m’a violentée ? Alors pourquoi en Suisse il y a des interviews, quand ils connaissent d’avance la réponse ? C’est vraiment du temps perdu.

Ici, il faut tomber dans une grave crise pour avoir accès à un psychologue ou un psychiatre. Quand on va mal, on nous répond : il n’y a pas de place chez le psychologue, mais votre malaise, il va passer avec le temps. En Suisse, j’ai vu beaucoup de fous. Tu peux devenir fou. On est arrivé comme intellectuels, mais on te tue, tu peux devenir fou. La Suisse veut des fous ! Il faut devenir fou pour avoir l’asile. »

Témoignage d’Audrey

Dublin et la maternité

La personne qui nous a livré le témoignage précédent est une jeune mère qui a appris il y a quelques jours le refus de sa requête d’asile et la cision de renvoi vers la Croatie selon les accords de Dublin. Quelques heures plus tard, elle a accouché prématurément, très prématurément. Difficile de ne pas voir un lien entre la nouvelle hyper-stressante et la naissance prématurée.

Une autre personne, mère d’un enfant de moins d’une année, est, elle aussi, sous le coup d’une menace d’expulsion Dublin vers la Croatie. A l’école des sages-femmes, on nous enseigne l’importance de la sécurité et de la sérénité pour l’installation du lien mère-enfant durant les suites de couches. Mais cette évidence semble être valide seulement pour certaines femmes, et pas pour les femmes requérantes d’asile.

Alors stop la discrimination, stop les renvois Dublin!

Viviane Luisier, sage-femme

En Suisse, un autre genre de violences

« J’avais contourné Zagreb, j’avais traversé toute la Croatie, je n’avais jamais donné mes empreintes pendant ce parcours. Quand j’étais en train de sortir de la Croatie pour la Slovénie, la police m’a emmené à Zagreb et j’ai reçu la feuille des « 7 days ». Et après, je suis allé en Slovénie, et je suis arrivé jusqu’en Suisse.

Et un jour, quand j’étais jà à Genève, on me téléphone : tu as Dublin. Mais je n’avais jamais laissé mes empreintes nulle part. Le texte, je l’ai eu par WA. Puis la juriste de Caritas a fait recours, sans me le dire. Elle a fait un second recours, toujours négatif. Je n’ai jamais rencontré d’avocat. Pour mon audition, l’avocate n’a pas pu venir, elle a envoyé un stagiaire. Mais c’est moi qui me suis fendu tout seul. Ensuite, le stagiaire m’a félicité, il m’a dit que j’avais bien parlé.

Alors les juristes et les avocats, ils sont là pour nous aider ou pour nous enfoncer ? Tous ces gens sont là pour nous contrôler.

Et bien sûr, on est privé de travail, on nous nourrit comme des souris. Alors les Suisses, c’est normal qu’ils ne veuillent pas de nous.

C’est pour toutes ces raisons que nous avons deman une rencontre au Conseil d’Etat de Genève il y a plus de 2 mois, mais il ne nous a toujours pas répondu. Nous voulons cette rencontre ! »

Témoignage de Jean-Paul

Ukraine: Un accueil digne, enfin! Et pour les autres?

Tout d’abord, la manchette de la Tribune de Genève annonçait que notre ville pourrait recevoir 10’000 réfugiées ukrainiennes. Quelques jours plus tard, il est question de 15’000 réfugiées. Oui, Genève est en train d’assumer sa mission de ville refuge, enfin! Non seulement Genève, mais aussi la Suisse se profile comme terre d’asile, puisqu’il est question de recevoir jusqu’à 250’000 réfugiées ukrainienenes dans notre pays.

Ce nombre témoigne d’un grand geste de solidarité, et la qualité y est aussi, puisque des permis S seront immédiatement concédés, que le passage en centre fédéral pour requérante d’asile sera limité à quelques jours et que l’accueil qui leur est fait à l’OCPM (Office Cantonal de la Population et des Migrations) est bienveillant, selon le témoignage d’une personne présente dans les bureaux de cet office lors de l’arrivée d’un couple ukrainien. Cet accueil augure d’une intégration qui peut commencer immédiatement: scolarisation pour les enfants, travail pour les parents.

C’est vrai que nous recevons ces jours des réfugiées qui sortent d’une guerre que nous pouvons tous suivre à la télévision, avec profusion d’images de bâtiments pilonnés, de personnes âgées, enceintes, malades et enfants qui se sauvent en passant des ponts improvisés et en escaladant les décombres. Et ces personnes nous ressemblent et vivent à quelques heures de chez nous. Impossible de rester de marbre ou d’écouter les interprétations de cette guerre: il faut tendre la main.

Mais alors… et toutes ces guerres que l’occident mène par procuration avec les bombes à Gaza? au Yémen? en Syrie? en Irak? au Kurdistan? en Afghanistan? Et la guerre sans bombe, mais la guerre quand même, en Erythrée et dans de nombreux pays d’Afrique où la vie est devenue une lutte contre la faim, contre la violence faite aux femmes et aux personnes LGBTQ+? On fait allusion ici à des problèmes socioéconomiques tellement étendus et graves qu’ils sont devenus des problèmes non plus individuels, mais éminemment politiques qui touchent des populations elles aussi énormes et dévastées.

Certaines réfugiées nous déclarent leur stupéfaction face à la solidarité qui se manifeste pour les Ukrainiennes.

Et nous, militantes de l’asile dans le collectif Solidarité Tattes, nous nous posons aussi des questions:

Pourquoi Mme M.U., âgée de plus de 50 ans, ressortissante d’un pays d’Afrique, qui a été soumise à la traite d’êtres humains pendant plus de 10 ans, ne reçoitelle pas la protection de la Suisse?

Pourquoi M. S.E., lui aussi africain, depuis 8 ans en Suisse, ayant vécu la catastrophe de l’incendie des Tattes en 2014 dont il est sorti gravement atteint dans sa santé, pourquoi ne peutil toujours pas avoir un permis B?

Pourquoi la Suisse renvoietelle une famille avec 2 enfants en bas âge vers unpays aussi peu sûr que l’Irak?

Etc., etc.

Et nous continuons de réfléchir:Pourquoi les employés de l’OCPM sontils toujours tellement odieux avec les requérantes qui se présentent à leurs guichets?

Pourquoi le stationnement dans les Centre Fédéraux d’Asile (CFA) pour les réfugiées nonukrainiennes duretil non pas juste quelques jours, mais 140 jours, et parfois plus?

Pourquoi laisseton les jeunes déboutées de l’asile croupir pendant des années avec l’aide d’urgence (dépendance totale des prestations de l’Hospice Général), même quand leur intégration est réussie?

Etc., etc.

Y auraitil un problème de couleur dans la solidarité? Une solidarité «blonde» qui nous montre ce qu’est la véritable solidarité, immédiate et bienveillante, et une solidarité«noire» qui n’est qu’un gouffre qui engloutit les vies, les jeunesses, les espoirs? Si l’on pratique la solidarité avec la population ukrainienne, alors on se sent contente et «en accord avec les valeurs de notre société». Et si on pratique la solidarité avec ceux et celles qui nous ressemblent moins physiquement, mais qui rencontrent les mêmes problèmes que nous dans la vie, ou pire, alors pas de répit, pas de solution, pas de permis?

Inquiétantes, nos autorités, qui tendent la main d’un côté et repoussent de l’autre. En nous montrant ce que doit être la solidarité et combien les solutions sont à portée de main et de portemonnaie, l’Etat suisse (fédéral et cantonal) se révèle et se pointe luimême du doigt: il fait des différences entre les réfugiées! L’une passe, l’autre pas!Alors qu’il pourrait être égalitaire et simplement conforme à la Convention de Genève de 1951. Alors la solidarité tout court, c’est pour quand?1

ST, mars 2022

Violences de genre et asile – témoignages vidéos

Les violences sexuelles et sexistes poussent de nombreuses femmes, filles et personnes LGBTIQA+ à fuir leur pays et à demander l’asile en Europe. Notre combat nous montre chaque jour la violence multipliée que vivent les femmes et personnes LGBTIQA+ venues trouver refuge en Europe.

Dans le cadre du lancement de la pétition européenne “Feminist Asylum”, qui demande une meilleure reconnaissance des motifs d’asile propres aux femmes et aux personnes LGBTIQA+, Solidarité Tattes a recueilli le témoignage de femmes et de personnes LGBTIQA+ qui ont vécu des violences liées à leur genre au cours de leur parcours migratoire. Les témoignages vidéos sont disponibles au bas de la page.

Lancée simultanément dans toute l’Europe, la pétition est adressée à l’Union Européenne, mais également aux États membres de l’espace Schengen.

Pour signer la pétition et obtenir davantage d’informations à son sujet –
https://feministasylum.org

Crédits vidéo: Elena Orioli –
http://linkedin.com/in/elena-orioli-b9167813a

Témoignage de Fawzia, réfugiée éthiopienne en Suisse: La fuite d’un mariage forcé

Partie 1/3

Partie 2/3

Partie 3/3

Mireret, réfugiée érythréenne en Suisse: L’exil avec des enfants

Partie 1/2

Partie 2/2

 

Pour signer la pétition et obtenir davantage d’informations à son sujet –
https://feministasylum.org

Crédits vidéo: Elena Orioli

 

Solidarité Tattes est une association citoyenne qui se bat pour des conditions de vie dignes et pour un accueil inconditionnel des migrant·e·s.