Newsletter du 18/03

Mais que faut-il pour avoir droit à l’asile?

Durant le mois de février 2018, nous avons rencontré les Conseils d’Etat vaudois et tessinois. Et le 1er mars, Mme Sommaruga a accepté de recevoir une délégation représentant l’Appel Dublin : les efforts pour rassembler les 33’000 signatures remises à Berne en novembre 2017 ont eu en tout cas cet effet positif. Nous sommes donc allés faire part de vive voix à la ministre des revendications contenues dans notre Appel. Malheureusement, ces 45 minutes d’entretien n’ont pas témoigné d’une grande d’ouverture et ont servi surtout à nous assurer que le SEM prenait déjà en compte la vulnérabilité des personnes dans ses décisions !

Renvoi Dublin à tout prix

Mais alors… comment se fait-il que, avec nos forces limitées et sans être des professionnel-le-s de l’asile, nous avons pu remettre à Mme Sommaruga une liste anonymisée de 48 personnes ou familles dublinées et vulnérables attribuées aux cantons de Berne, Fribourg, Genève, Vaud, Valais, Saint-Gall, Neuchâtel, Zürich, Tessin ou encore Bâle? Parmi elles, certaines cumulent les vulnérabilités. On dénombre :

  • 8 femmes victimes de traite ou de violences conjugales ;
  • 11 familles avec des enfants scolarisés, 12 avec des enfants en bas âge ;
  • 13 familles qui se verront séparées en cas de renvoi ;
  • 15 situations de femmes seules avec des enfants ou de femmes enceintes ;
  • 23 personnes qui ont de la famille (oncles, tantes) résidant en Suisse ;
  • 28 personnes souffrant de problèmes de santé nécessitant un suivi médical régulier.

Par exemple, à Genève :

M., grand-maman tchétchène, arrive en Suisse avec sa fille et son petit-fils. Marquée par les mauvais traitements subis dans son pays, elle a besoin d’un suivi médical intensif, tant au niveau physique que psychique. Elle est dépressive et suicidaire et a effectué une tentative de suicide récemment. Pourtant, la Suisse veut renvoyer toute la famille en Pologne, pays par lequel elle a transité pour se rendre en Suisse.

A., enceinte de 5 mois, va être renvoyée vers l’Italie, alors que son compagnon et père de son enfant à naître réside en Suisse et est détenteur d’un permis C. En Suisse, il devrait être écrit dans la loi que le droit à la vie de famille ne concerne pas les requérants d’asile…

Alors que leur faut-il pour entendre raison ?

Entourer, accompagner et dénoncer

Malgré tout, nous allons continuer à défendre par tous les moyens possibles les personnes menacées de renvoi. Nous allons continuer à les entourer, à les accompagner à l’OCPM et partout où elles ont besoin de nous, nous allons continuer à les parrainer-marrainer.

Nous allons également continuer à rencontrer les cantons qui acceptent de nous recevoir et insister auprès de ceux qui s’y refusent. L’objectif, c’est de forcer les autorités à parler des accords de Dublin et de l’application que la Suisse en fait. Nous allons continuer à dénoncer une pratique ignoble du renvoi, des interprétations partielles des lois, accords et conventions (notamment des accords Dublin), bref : nous allons continuer à dénoncer une politique d’asile déficiente et honteuse.

Nos permanences Dublin à Genève

En prévision des rencontres avec les autorités cantonales et fédérales, nous avons organisé 4 après-midis de « permanences Dublin » dans différents lieux du canton pendant le mois de février. Les personnes ayant reçu une décision NEM Dublin étaient invitées à nous y rejoindre. Nous avons ainsi rencontré 18 personnes ou familles menacées de renvoi au nom de Dublin. Mais nous avons également rencontré d’autres situations qui nous interrogent :

  • Une femme érythréenne, mère seule avec 4 enfants tous scolarisés, s’est vu refuser l’asile. Aucun accord de réadmission n’existe avec l’Erythrée : cette femme va donc rester en Suisse avec son statut de déboutée, l’aide d’urgence tous les 15 jours et 4 enfants à charge !
  • Une femme avec ses deux enfants en bas âge nous explique que son mari a été renvoyé en Italie (au nom de Dublin). Il est à Milan et y a reçu l’asile. Mais son permis ne lui permet pas de voyager. Il n’a donc de liens avec ses enfants et sa femme que par téléphone.

Donc il y a Dublin, mais il n’y a pas que Dublin. Le chemin promet d’être long…

Nouvelles migrantes

Appel d’Elles

Après la publication d’une série de témoignages bouleversants concernant des femmes en exil, l’Appel d’Elles, muni de plus de 8’000 signatures, a été remis aux autorités fédérales ce 8 mars. Est-ce que l’horreur décrite dans ces témoignages réussira à traverser les épais murs de pierre du palais fédéral ? A l’ère où #metoo remporte une adhésion universelle, il semble pourtant qu’on s’émeut moins facilement des violences subies par les femmes migrantes, qui sont rarement des actrices d’Hollywood.

Aide d’urgence

Une nouvelle idée géniale a été mise en place par nos autorités cantonales. A partir du 1er mars, toutes les personnes à l’aide d’urgence doivent se présenter d’abord à la police de l’aéroport pour un premier tampon, puis à l’OCPM pour un deuxième tampon, puis aux guichets de l’Hospice général au Bouchet pour toucher l’aide d’urgence sur présentation de ces deux premiers tampons. En dehors de la difficulté de faire 3 allers-retours dans la même journée à travers la ville, le fait de devoir se rendre à l’aéroport est vu comme une menace supplémentaire de renvoi imminent : l’angoisse augmente. Quel est le but ? Faire sortir les personnes des statistiques et les pousser à la clandestinité pour « régler le problème migratoire » ?

  • Le 13 mars, une interprète nous téléphone du cabinet d’un médecin, pour nous dire qu’elle est avec Mme L. Celle-ci est complètement bouleversée car elle est renvoyée le 27 mars! Or elle a un bébé de 2 mois dans les bras et désire se marier avec le père de son enfant qui a obtenu l’asile. L’interprète explique que Mme L. a reçu un papier avec une adresse et une image du lieu où elle doit se rendre à l’aéroport. Après discussion, nous nous apercevons qu’il s’agit simplement du papier qui a été donné à tous les requérant-e-s d’asile qui reçoivent l’aide d’urgence. Il s’agit « juste » de se présenter à la police pour obtenir le premier tampon. Chez Mme L. à qui l’on n’a rien expliqué, ce papier a causé une consultation en urgence chez son psychiatre.
Prochainement, Solidarité Tattes organisera une fête afin de nous rencontrer et de construire ensemble la suite de la lutte. Nous ne manquerons pas de vous en informer.