Table-ronde “Obtenir justice pour les personnes migrantes: à quel prix?”

À Genève comme ailleurs en Suisse, de nombreuses personnes migrantes voient leurs droits bafoués lorsqu’elles réclament justice.

Face à la police qui préfère expulser une personne sans-papier plutôt que reconnaître son statut de victime de violences sexistes et sexuelles, face à des tribunaux qui ne rendent leur verdict que des dizaines d’années plus tard, l’accès à la justice n’est possible qu’au prix d’une patience et d’un courage immenses, d’un appui farouche des collectifs de soutien et de milliers d’heures de travail bénévole d’avocat·es solidaires.

Cette situation résulte d’un système judiciaire et policier suisse raciste, qui divise les plaignant·es et leur chance d’obtenir réparation selon leur statut de séjour (ou son absence). Comment réagir et s’organiser pour refuser cette inégalité et changer les choses?

La soirée se déroulera en présence de l’avocate Laïla Batou et de représentantes d’associations, mardi 18 mars à 18h30 au 13 ch. de la Marbrerie à Carouge, Genève.

Organisation: Solidarité Tattes et le collectif genevois pour la Grève féministe

Pour plus d’infos sur les Actions Days dans lesquels s’inscrit cette table-ronde: https://justice4nzoy.org/antirassistischer-maerz/

8 mars – prise de parole de Solidarité Tattes

Nous étions ce week-end au 8 mars à Genève, vous trrouverez ci-dessous un résumé de notre prise de parole.

Merci à la Grève féministe de nous donner la parole.

Solidarité Tattes milite à Genève depuis 10 ans pour un accueil digne pour touxtes.

Nous luttons aux côtés de personnes requérantes d’asile pour qu’elles obtiennent le droit de rester.

Aujourd’hui, nous voulons réaffirmer notre solidarité avec les personnes migrantes, réfugiées, demandeuses d’asile, déboutées, expulsées, maltraitées, etc.

Pour ces personnes qui ne prennent pas la parole aujourd’hui, qui ne participent pas à notre manifestation et qui se retrouvent seules, notre solidarité avec elles est nécessaire et urgente.

La migration, on le sait, est depuis toujours l’un des boucs émissaires de l’extrême droite. L’instrumentalisation des migrations à des fins politiques identitaires n’est pas un phénomène nouveau. Mais la montée du fascisme et le repli identitaire généralisé qu’on observe actuellement sont extrêmement préoccupants pour les personnes migrantes, sachant que ces hommes, femmes et minorités de genre sont déjà, et depuis longtemps, en première ligne lorsque qu’il s’agit de violences policières et judiciaires.

De toutes les femmes que nous avons suivies et que nous suivons avec Solidarité Tattes, nous constatons que toutes ont subi des violences sexistes ou sexuelles. Beaucoup ont été victimes de traite. Énormément ont subi des viols, que ce soit dans leur pays d’origine, sur la route de l’exil ou ici. C’est parfois le cas pour les hommes aussi mais, pour les femmes et les minorités de genre, c’est systématique.

Entre les refoulements violents aux frontières, l’attente interminable, les décisions de non-entrées en matière Dublin et les expulsions : la souffrance engendrée est immense ! Défendre les personnes migrantes et lutter à leurs côtés est plus que jamais un impératif féministe !

On vous rend attentif.ve.x.s à la prochaine ouverture du CFA du Grand-Saconnex, qui n’est autre qu’un centre d’incarcération et d’expulsion. Refusons son inauguration ! Rejoignez-nous et faisons bloc ensemble ! STOP AU RACISME D’ÉTAT !!

Vive le 8 mars, vive la solidarité, vive les luttes féministes !

 

Encore et toujours non au CFA du Gd-Saconnex!

Le Centre fédéral d’asile (CFA) du Grand-Saconnex, que le Canton de Genève à ignoblement négocié avec le Secrétariat d’État aux migrations contre moins de personnes dans l’asile à accueillir sur le territoire, est sur le point de s’ouvrir.

Ce, bien que nous et d’autres associations dénoncions depuis plusieurs années les violences que ce système génère inévitablement contre les personnes requérantes d’asile, les criminalisant et les poussant à la clandestinité.

Ce projet de CFA est inhumain et maintenant que les autorités entendent le rendre concret, il n’y a plus l’ombre d’un doute!

Vous trouverez ci-dessous une lettre ouverte largement signée, qui dénonce le projet de scolarisation à deux vitesses sur le canton. En effet, les enfants du CFA n’auraient pas accès aux structures publiques comme les autres enfants.

Encore et toujours, nous refusons que ce CFA ouvre ses portes!

Nous manifesterons encore notre détermination contre ce centre!

Incendie des Tattes : quelles conséquences 10 ans après?

Le jeudi 15 novembre marque les 10 ans de l’incendie du foyer des Tattes. Pour l’occasion, Solidarité Tattes a organisé un moment de commémoration au foyer. Vous trouverez ci-dessous quelques images et témoignages de ce moment, mais aussi un texte revenant sur ces 10 années de lutte, et sur les perspectives futures.

Steve et Aliu, sinistrés de l’incendie des Tattes, témoignent 10 ans après:

Steve: “10 ans après, ma situation est mauvaise. Ma santé est mauvaise. J’ai mal, vraiment mal. Chaque jour j’ai mal. Je ne peux pas travailler, je dépends de l’aide sociale. Je n’ai rien reçu en compensation de l’état, seulement l’aide sociale. Au début à l’hôpital ils ont commencé par me dire que je ne remarcherai jamais. Une personne handicapée, qu’est-ce que le gouvernement doit faire pour l’aider? Moi je n’ai rien reçu. J’ai demandé l’AI mais je ne reçois rien. Partout ils me disent non. On ne peut pas vivre toute sa vie avec si peu.”

Aliu: “J’ai eu des fractures de la colonne vertébrale. J’ai fait une semaine d hospitalisation, ils ont dit que ce n’était pas grave. Mais en sortant j’ai senti mon pied gauche comme cassé. Une semaine après je ne pouvais plus marcher. Alors ils ont vu que je ne pouvais plus rester debout, ma colonne était cassée. Avec un faux pas je pourrais être handicapé. J’ai fait une demande AI et ils m’ont accepté à 50%. Mais avec le droit suisse je n’ai pas le droit de toucher cet argent car je n’ai pas travaillé 3 ans avant l’incendie. Aujourd’hui j’ai encore des séquelles dans la tête et partout. Je fais des cauchemars. J’ai le permis F et je suis coincé à l’aide sociale, donc je ne peux pas faire de regroupement familial. Je ne peux pas voir mes enfants.”

Steve et Aliu, Foyer des Tattes, 15 novembre 2024

Incendie des Tattes: quelles conséquences 10 ans après?

Pas besoin de refaire encore une fois l’histoire détaillée de la catastrophe des Tattes, survenue dans la nuit du 16 au 17 novembre 2014. Nous ne rappelons que 2 dates :

  • La nuit du 16 au 17, avec la mort d’un requérant pris au piège d’un système anti-incendie déficient, les défenestrations pour échapper aux flammes, le délai anormalement long pour envoyer les pompiers, l’abandon des sinistrés à leur triste sort, certains terrorisés quittant rapidement la Suisse, d’autres lamentablement « indemnisés » à hauteur de 500 CHF pour les torts subis, et d’autres encore reconnus aujourd’hui comme invalides à 100% mais sans droit à toucher l’assurance invalidité,
  • Après 10 ans d’abandon, les 4-5-6 mars 2024, un procès en appel qui incrimine enfin le principal responsable de ce grave accident : l’Hospice général sous les traits de M. C. Hauswirth, responsable incendie de nombreux foyers pour requérant-es d’asile, tâche impossible à assumer pour une seule personne. Deux Protectas sont aussi accusés de ne pas avoir fait exactement ce qu’il aurait fallu, encore qu’on ne voie pas comment ils auraient pu le faire, avec un système anti-incendie qui dysfonctionnait.

Mais l’état ne se laisse pas accuser, même quand ses fautes sont évidentes, et rebelotte : M. Hauswirth (et les Protectas) font recours au Tribunal fédéral. Autant dire que la justice devrait nous promener encore… quelques années. Intolérable, pour les personnes gravement atteintes dans leur santé physique et psychologique, sans parler de leurs difficultés administratives et financières pour survivre chez nous.

Le Collectif Solidarité Tattes, né début 2015 pour soutenir les sinistrés, continue et continuera de :

  • Dénoncer le traitement injuste et discriminatoire des réfugié-es qui sont tellement mal considéré-es que les mesures élémentaires de sécurité n’étaient pas prises à leur égard, au Foyer des Tattes, en 2014 ;
  • Dénoncer une justice fantôme qui se fait attendre plus de 10 ans, sans réparation, sans excuse, sans indemnités ;
  • Demander au Conseil d’état genevois de reconnaître une fois pour toutes sa responsabilité dans la catastrophe des Tattes et de faire le nécessaire pour que les victimes soient elles aussi reconnues, en accédant à un permis de séjour valable, à une rente AI le cas échéant.

JUSTICE POUR LES SINISTRES DES TATTES, VITE !

Grande manifestation le 28 septembre 2024 à Berne

Le 28 septembre 2024, Solidarité Tattes se joint à l’appel de Solidarité Sans Frontières et appelle à manifester à Berne une politique d’asile plus humaine. Retrouvez l’appel à manifester ci-dessous, et toutes les informations pratiques de la manifestation au lien suivant.

Entre nous, pas de frontières ! Nous voulons une société ouverte pour tou·xtes !

Personnes réfugiées et migrantes, sans-papiers et clandestin·es, personnes admises provisoirement et déboutées, personnes précarisées et exploitées, naturalisé·es et Second@s, personnes solidaires, groupes de base et organisations : Nous sommes tou·xtes séparé·es par des frontières visibles et invisibles.

Aux portes de l’Europe, les clôtures et les murs sont de plus en plus longs et hauts. La liberté de mouvement des personnes en fuite est massivement limitée. La violence, la misère et la mort sont devenues quotidiennes.

Une fois en Suisse, les personnes en fuite sont souvent isolées dans des camps éloignés. Qui n’est pas reconnu·e est expulsé·e sous la contrainte ou se retrouve au régime indigne l’aide d’urgence. Le système d’asile et de migration est marqué par l’exclusion et la privation de droits.

D’autres sont empêché·es de se former ou de travailler, leurs qualifications sont dévalorisées, leur force de travail est exploitée. Nombreux sont celleux qui sont réduit·es à leur condition d’immigré·ee et isolé·es par le racisme. Un quart de la population n’a toujours pas le droit de vote, se retrouve exclu des décisions politiques et laissé à la marge.

Le 28 septembre, nous montrons à Berne une autre réalité : nous faisons tou·xtes partie d’une société (post)migrante ouverte et diversifiée. Nous ne nous laissons pas diviser. Nous ne voulons pas de frontières entre nous !

Nous demandons :

– La liberté de mouvement plutôt que les frontières

– Droits et dignité plutôt qu’illégalisation

– Participation sociale plutôt que précarité

– La participation plutôt que l’exclusion

Invitation à une discussion autour du livre “Récits du bas seuil – Parcours d’une infirmière” en présence de son auteure

En collaboration avec la Coordination asile.ge et asile.ch, Solidarité Tattes vous invite à une discussion autour du livre “Récits du bas seuil – Parcours d’une infirmière” , en présence de son auteure Annelise Bergmann-Zürcher.

Annelise Bergmann-Zürcher a été infirmière dans le centre fédéral d’asile de Vallorbe pendant 11 ans. Cette rencontre sera l’occasion de débattre entre personnel de la santé, éducateur-rices, enseignant-es, de la vie dans les centres d’asile et des conditions de travail qui y prévalent.

Pour Genève: tout bientôt un Centre fédéral d’asile au Grand-Saconnex! le moment de se réveiller et de s’organiser!

Cette rencontre aura lieu à la Salle forum au Centre Social Protestant (Rez-de-Chaussée, rue du Village-Suisse 14, 1205 Genève).

Extraits du livre

“Dans le centre, il y avait une sorte d’omertà, tout était fait pour que les travailleur-euses ne se rencontrent pas. C’était difficile de se parler entre nous.”

” On se sent impuissant, donc mauvais, ça nous culpabilise de ne pas pouvoir faire le travail comme il faudrait, on a une mauvaise image de nous-mêmes. Et à la fin ça nous épuise.”

Procès de l’incendie du foyer des Tattes : rendons-nous en nombre au rendu du verdict!

Le mardi 4 juin à 17h, rendez-vous au rendu du verdict de l’incendie des Tattes (Palais de Justice, Bourg-De-Four) afin d’exiger que Justice soit enfin rendue! Des permis et des indemnisations pour les sinistrés de l’incendie!

En novembre 2014, on était sous le choc de la catastrophe qui s’était produite dans notre ville: dans la nuit du 16 au 17 novembre un incendie avait ravagé un des bâtiments du Foyer des Tattes, le plus grand centre d’hébergement pour requérants d’asile de Suisse, ce qui avait entraîné la mort d’un des résidents et la défenestration d’une quarantaine d’autres.

En février 2015, nous avons rencontré les sinistrés et nous avons aussitôt créé le collectif Solidarité Tattes pour soutenir les personnes affectées, comprendre les causes du désastre, réclamer que justice soit faite. Chaque année, en novembre, nous nous sommes rassemblé-es aux Tattes, sous la plaque apposée, par notre initiative au mur du Bâtiment I, pour commémorer ce drame qui aurait pu et qui aurait dû être évité, pour dénoncer la lenteur de la justice et pour redire aux sinistrés que nous ne les oubliions pas.

En 2022, nous avons suivi un procès bouleversant, avec la présence du père et du frère de Fikre Seghid, le jeune Érythréen mort dans l’incendie: celle de Steve, toujours affecté dans sa santé physique, avec des douleurs qui ne lui laissent de répit ni le jour ni la nuit; celle d’Ayop, débouté de l’asile et totalement bloqué au niveau de sa formation et son travail, alors qu’i9l est une des victimes gravement affectées par cet incendie; et celle de tous les autres, présents, muets, ne sachant ce qu’il y avait à attendre de tous ces discours souvent abscons, même pour les francophones. À l’extérieur du tribunal, nous avons poussé quelques slogans, nous avons même interpellé Poggia sur les escaliers du Palais de Justice.

Mais à l’issue de ce procès, les inculpés se trouvaient bel et bien dans les rangs des plus faibles: le défunt Fikre Seghid, les résidents qui fumaient et cuisinaient dans les chambres et les Protectas impréparés matériellement et psychologiquement à la gabegie de la nuit du 16 au 17 novembre 2014. Et l’État: blanchi! En la personne du responsable de la sécurité incendie de l’Hospice général! Entre 2014 et 2022, il aura fallu 8 ans à la justice pour rendre l’injustice.

En mars 2024, pour le procès en appel, le public était moins motivé. Quelques plaignants (une partie des sinistrés) étaient présents le lundi matin, puis ne se sont plus présentés. Que pouvait-il bien se passer de nouveau dans ce procès en appel? Pourtant, la plupart des plaidoiries ont frappé sur la même tête: le coordinateur de la sécurité incendie de l’Hospice général semble être désigné cette fois de manière claire et sans appel. Ce soir, 10 ans après les faits, nous sommes là pour écouter le verdict. Si l’accusé n’est pas le responsable incendie de l’hospice général, si ce n’est pas l’État, alors le Palais de Justice doit se reconvertir en théâtre ou en salle de jeux.

État, condamné! Indemnisations pour tous! Permis B pour tous!

Solidarité Tattes

Manifestation le 23 mars pour le Droit au logement

Le 23 mars aura lieu à Genève une grande manifestation pour le Droit au logement pour touxtes, Solidarité Tattes appelle à soutenir cette manifestation car le mal-logement concerne évidemment AUSSI les personnes migrantes, peu importe leur statut légal (RDV 16h Poste du Mont-Blanc).

Appel de Solidarité Tattes à soutenir la manifestation du 23 mars

Les personnes migrantes, peu importe leur statut -avec permis précaire ou sans-papiers- sont en première ligne lorsqu’il s’agit de logement, ou plutôt de mal-logement. Pour ces personnes, le mal-logement est une réalité qui complique et menace leur vie, semant le désespoir et parfois, oui, la mort. Ce mal-logement est la conséquence directe de la politique d’asile suisse ou de l’illégalité dans laquelle vivent les sans-papiers.

Pour les résident-e-s de Centre Fédéraux d’asile et de foyers, dans lesquels il n’est tout simplement pas possible de disposer d’une intimité, où le moindre de leurs faits et gestes est contrôlé par des agents de sécurité n’hésitant pas à frapper et à humilier au besoin, où il n’est pas possible d’aller et venir librement, le mal-logement est une réalité.

Pour les résident-e-s de bunkers, qu’on a rouvert récemment parce qu’on ne veut pas les accueillir autrement, qui vivent dans la promiscuité et n’ont pas accès à la lumière du jour, et dont on associe systématiquement l’arrivée avec une prétendue hausse de la criminalité dans le quartier, le mal-logement est souvent vécu comme une torture.

Pour les résident-e-s de foyers insalubres, dans lesquels une étincelle suffit à générer un incendie et où les normes de sécurité peuvent entraver leur fuite en cas de danger, le mal-logement est un danger permanent. On n’oubliera jamais l’incendie du foyer des Tattes qui a causé la mort d’une personne et en a traumatisé tant d’autres à vie, ni ceux répétés du foyer de la Poya à Fribourg, ni tous les autres.

On les oublie trop souvent, mais pour les sans-papiers aussi le mal-logement est une funeste réalité. Sans droits pour se défendre, victimes de marchands de sommeil, entassé-e-s à dix voir beaucoup plus dans des appartements insalubres, déplacé-e-s par surprise en pleine nuit d’appartement en appartement pour éviter que se tissent des liens de solidarité, payant des loyers indécents et escroqués parce que sans droits; pour elles et eux aussi, le mal-logement complique cruellement leur vie.

En 2015 le mouvement No Bunkers avait permis de démontrer à quel point loger les personnes migrantes sous terre était inacceptable. Aujourd’hui, 8 ans plus tard, on dirait que les autorités n’ont rien appris. Les autorités cantonales et fédérales doivent arrêter de faire semblant d’être “dépassées” par les flux migratoires, et découvrir du jour au lendemain que les foyers sont soudainement pleins à craquer ! Tout cela est prévisible, et même en cas d’évènement inattendu d’autres solutions sont possibles. Un autre accueil est possible, si on a la volonté politique de le faire.

Alors oui : toutes les personnes migrantes quel que soit leur statut ont droit à un logement digne, le droit au logement est un droit humain !

Non à la réouverture des bunkers pour les personnes dans l’asile: nous ne sommes ni amnésiques, ni résigné·es!

Fin 2023, le premier abri de protection civile à destination des personnes demandant l’asile, un «bunker», rouvrait à Thônex. Le second ouvrira à Plan-les-Ouates en mars 2024. Retour à la lutte «No Bunker» de 2015? Pas tout-à-fait, car il s’agit à présent de bunkers gérés par la Confédération, des Centres fédéraux d’asile (CFA) miniatures, en attendant l’ouverture du sinistre CFA du Grand-Saconnex.

No bunkers, encore et toujours!

Nous sommes toujours scandalisé·es par l’idée même de loger sous terre, comme des rats, des personnes qui viennent demander asile en Suisse, un des pays les plus riches du monde. Ce n’est pas un accueil que de proposer à des personnes de vivre sans fenêtres, sans cuisines, dans des espaces condensant plus de 100 lits, avec douches et toilettes collectives. Pour les personnes concernées, c’est une indigne punition et pour nous, c’est une honte.

Une gestion privée

Aujourd’hui, s’ajoutent deux éléments nouveaux par rapport à la lutte de 2015. D’abord, une prise en charge par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et plus par l’Hospice général. Le SEM délègue la tâche de gestion à une entreprise privée (ORS) qui organise tout dans l’abri PC: de la sécurité à l’infirmerie en passant par l’animation. Ensuite, les personnes placées dans ces lugubres endroits sont arrivées très récemment en Suisse: ils (car pour l’instant il n’y a que des hommes) sont dans les 140 premiers jours après le dépôt de leur demande d’asile, avant d’être attribués à un canton. Difficile pour eux de critiquer cet indigne hébergement alors que leur arrivée est si récente…

Conditions de vie carcérales

Fin février, nous sommes passées voir le bunker de Thônex pour nous faire une idée. Nous n’avons pas eu le droit d’entrer, mais nous avons récolté quelques informations intéressantes:

  • Des horaires de sorties (de 9h à 19h) restrictifs et des fouilles corporelles systématiques à l’entrée par des Securitas, y compris après être juste sorti fumer une cigarette, qui démontrent sans conteste le caractère carcéral de l’endroit.

  • Des interdits sur les aliments et les objets pouvant entrer dans le bunker (sachez par exemple que les guitares sont interdites…).

  • Des billets de transport public pour 1 journée par semaine uniquement, qui limitent les possibilités de se déplacer sur le Canton et surtout d’établir des liens avec la population genevoise.
  • Une allocation financière de 20 CHF par semaine qui empêche toute autonomie.

À Thônex, il y a 132 lits, pour l’instant moins de la moitié sont utilisés. De notre côté, nous continuons à exiger la fermeture immédiate de ces lieux impropres à l’habitation !

No bunker

Pour des logements dignes pour les personnes migrantes

Manifestation pour la fermeture des bunkers en 2015 (Genève)

Procès de l’incendie des Tattes : verdict imminent, soyons prêt-e-s!

Incendie meurtrier du foyer des Tattes, rendu du verdict imminent

Soyons prêt-e-s !!!

Le procès en appel des Tattes s’est terminé cette semaine, mercredi 6 mars. Les juges ont décidé de rendre leur verdict oralement à l’occasion d’une audience publique qui devrait avoir lieu ces prochains jours. Nous communiquerons la date de l’audience dès que nous en aurons connaissance.

Nous appelons les associations, collectifs et toute personne sensible aux questions de justice sociale, à se tenir prêt.e.s. Soyons nombreuxses à remplir la salle d’audience! 10 ans après les faits, dénonçons la lenteur du système judiciaire et montrons-nous solidaires avec les sinistrés qui n’ont toujours perçu aucune indemnisation, ni de permis B !!!

Venons soutenir Fikre Seghid, l’homme décédé dans le terrible incendie! Refusons ensemble le système inhumain de l’asile suisse qui “place” les requérant.e.s dans des logements inadaptés, insalubres et dangereux !!!

Interview par Solidarité Tattes de Me Laïla Batou

À la suite du procès, Viviane Luisier de Solidarité Tattes a interviewé  Me Laïla Batou, avocate de cinq parties plaignantes au procès de l’incendie du Foyer des Tattes, afin d’avoir son impression sur les suites de cette affaire.

Sol. Tattes : Cette semaine se terminait le procès des responsables de l’incendie du Foyer des Tattes devant la Cour d’Appel. Pourquoi s’agit-il d’une affaire d’intérêt public ?

Me Laïla Batou : Il y a un enjeu humanitaire, car elle interpelle sur la façon dont Genève traite les personnes les plus vulnérables, mais aussi un enjeu démocratique, dans le fait que l’Etat se retrouve à juger l’un de ses agents. Cette procédure met en jeu la séparation des pouvoirs.

Sol. Tattes : Dix ans après les faits, est-ce que la situation n’est pas complètement embourbée ?

Me L.B. : Pas du point de vue de la procédure. Au contraire, on commence enfin à y voir plus clair dans le déroulement des faits et les responsabilités qu’ils révèlent. Il a été difficile d’amener le fonctionnaire en charge de la sécurité du Foyer (ci-après : le Coordinateur incendie) sur le banc des accusés. Mais c’est sur ses manquements que se sont focalisés les débats d’appel.

Sol. Tattes : Pourquoi n’était-il pas en cause depuis le début ?

Me L.B. : Au lendemain du drame, tout le monde est tombé sur les occupants de la chambre qui a pris feu. C’étaient les coupables idéaux : l’un et l’autre avaient des petits casiers judiciaires, ils étaient ivres au moment des faits et avaient cuisiné et fumé dans une chambre alors que c’était interdit par le règlement du foyer. Et pourtant, on pouvait légitimement s’étonner qu’un départ de feu puisse avoir de telles conséquences : deux asphyxies dont une mortelle, et une quarantaine de défenestrations… N’y avait-il pas un problème plus structurel ? La procureure Viollier, alors en charge du dossier, a accepté de se poser la question.

Deux explications se sont alors affrontées : la nôtre, qui mettait en cause la sécurité du foyer, et celle du responsable de cette sécurité, pour qui les victimes avaient cédé à la panique pour des raisons « culturelles ». Rapidement, nous sommes parvenus à montrer que les agents de sécurité présents sur le site s’étaient comportés de façon complètement erratique, et que c’est ce qui avait donné cette ampleur au drame. Il a fallu plus de temps pour faire entendre que ces agents n’avaient peut-être pas été correctement instruits et formés, ce qui était de la responsabilité du Coordinateur incendie.

Sol. Tattes : Quelles ont été les étapes de cette prise de conscience ?

Me L.B. : Aussi étonnant que cela puisse paraître, après quatre incendies dévastateurs sur le site dont il était responsable, le Coordinateur incendie a d’abord été entendu comme témoin par le Ministère public. La Procureure Viollier a toutefois décidé de faire expertiser le bâtiment, et elle a eu le bon sens de confier cette tâche à des experts non-genevois. L’expertise, livrée en 2017, arrivait à la conclusion que vu son utilisation, notamment son extrême densité de peuplement, le bâtiment était si dangereux que se posait la question de sa fermeture immédiate !

La responsabilité du Coordinateur incendie ne pouvait plus être écartée d’un revers de main. Il a donc été réentendu en procédure, non plus en qualité de témoin cette fois-ci, mais en qualité de « personne appelée à donner des renseignements », soit un possible futur prévenu. Les déclarations qu’il a faites à ce moment-là étaient particulièrement accablantes pour lui : il en ressortait que les procédures qu’il avait mises en place pour gérer l’apparition d’un sinistre étaient extrêmement confuses, même à ses propres yeux.

Sol. Tattes : Il a donc été mis en prévention ?

Me L.B. : Pas du tout. Malgré les conclusions de l’expertise et malgré ses déclarations complètement aberrantes, la nouvelle Procureure en charge du dossier l’a tout simplement sorti de la procédure. Elle a renvoyé en jugement les deux occupants de la chambre d’où était parti le feu et deux agents de sécurité qui avaient eu le réflexe d’éteindre le feu avant d’évacuer le bâtiment.

Nous avons dû saisir l’autorité de recours pour forcer la Procureure à mettre en accusation le Coordinateur incendie.

Ce n’était là qu’une étape. Car au procès de première instance, la Procureure a pour ainsi dire plaidé son acquittement dans son réquisitoire, ce qui est pour le moins inhabituel. Plus inhabituel encore : l’un des plaignants, soit l’Hospice général lui-même, présent au procès pour demander l’indemnisation de son dommage matériel, a lui aussi plaidé en faveur de ce prévenu – qui n’était autre que son propre agent !

Sol. Tattes : Et alors, le résultat des courses ?

Me L.B. : Le juge ne s’est pas senti contraint d’examiner sérieusement la violation, par le Coordinateur, de son devoir de diligence. Il n’a pas daigné constater que les mesures prises par le Coordinateur sur ce site à hauts risques étaient gravement insuffisantes, voire qu’elles avaient accru le danger pour les résidents. Le juge n’a pas non plus tenu compte de la désinvolture que trahissaient les déclarations confuses et contradictoires du Coordinateur tout au long de la procédure.

C’est ainsi qu’il a condamné les deux agents de sécurité qui avaient privilégié l’extinction sur le sauvetage, et le résident de la chambre d’où le feu est parti. Il a en revanche été contraint d’acquitter l’autre résident accusé, qui n’avait fait que passer la soirée dans la chambre qui a brûlé.

Sol. Tattes : Pourquoi dites-vous que les mesures prises par le Coordinateur ont accru le danger pour les résidents ?

Me L.B. : Pour prévenir le risque incendie, il y a trois axes d’intervention : le constructif, le technique et l’organisationnel.

S’agissant du constructif, le Coordinateur a fait installer des portes coupe-feu en métal qui, en cas d’incendie, ne peuvent plus s’ouvrir sans clé dans le sens de l’entrée, même avec des outils de force. Or, il a omis d’équiper ces portes de serrures SI. S’agissant du technique, il a fait installer une centrale de détection d’incendie, mais cette dernière n’était pas, ou pas encore, raccordée au SIS. Autrement dit, pour être alertés, et ensuite pour accéder au bâtiment, les pompiers dépendaient de « quelqu’un » sur le site.

C’est une situation assez dangereuse. En tous cas, cela suppose que ce « quelqu’un » soit défini avec précision, qu’il sache exactement ce qu’il doit faire et qu’il développe des réflexes : c’est l’axe organisationnel.

Or, les agents de sécurité présents sur le site pensaient tous que la centrale de détection avertissait directement les pompiers ! Ils ignoraient aussi que les pompiers n’avaient pas de clés permettant d’accéder aux étages.

Sol. Tattes : Mais cela n’explique pas pourquoi les résidents se sont défenestrés…

Me L.B. : Les agents de sécurité ont manifestement paniqué à la vue du feu. Ils ont cherché à l’éteindre avant que les pompiers aient été alertés et avant d’évacuer le bâtiment, et pour cela ils ont ouvert la chambre en feu. La fumée a envahi le chemin de fuite, bloquant les résidents encore endormis dans leurs chambres. La plupart ont été réveillés en sursaut alors que le bâtiment était déjà sens dessus-dessous. Personne n’avait jamais pris la peine de leur dire ce qu’il fallait faire en cas de feu, ni même de leur fournir le numéro de téléphone des pompiers. Personne n’était là pour leur dire quoi faire, et ils n’avaient aucune instruction à remobiliser pour calmer la panique.

Sol. Tattes : Le Coordinateur incendie pouvait-il s’attendre à un tel mouvement de panique ?

Me L.B. : Evidemment. D’abord, parce que les risques liés à la panique en cas d’incendie sont notoires, ce qu’il savait en tant qu’expert. Ensuite et surtout, parce que des personnes s’étaient déjà défenestrées lors de l’incendie de 2011, avec un bilan de 13 blessés dont cinq graves.

Sol. Tattes : Mais était-il vraiment en mesure de le prévenir ?

Me L.B. : Bien entendu. Il avait constaté depuis 2011 qu’il devait installer des consignes sur le comportement à adopter en cas d’incendie dans tous les bâtiments, et ne s’est jamais exécuté. De même, il connaissait depuis 2013 son obligation légale de procéder à deux exercices d’évacuation pour entraîner son personnel et les résidents. Non seulement il n’en a organisé qu’un seul, en avril 2014 ; mais en plus il en a exclu un bâtiment entier : celui des hommes célibataires en cours de procédure d’asile ou déboutés, dont il craignait qu’ils prennent d’assaut les bus TPG ou n’investissent le magasin IKEA situé à proximité. Le premier juge n’aurait jamais dû recevoir cet argument : le Coordinateur n’est pas garant des intérêts d’IKEA ou des TPG, c’est à la police de s’en occuper. Lui, son travail, c’est de protéger la vie et la sécurité de tous les résidents du Foyer, sans distinction de sexe ou de statut légal.

Sol. Tattes : Et maintenant, que va-t-il se passer ? Quels sont vos pronostics ?

Me L.B. : C’est un dossier sensible, et une page sombre de l’Histoire de Genève, mais Genève peut faire mieux, si elle accepte de se remettre en question sur la base des faits tels qu’ils se sont réellement produits. Ce n’est pas facile, pour l’Etat, d’admettre que l’Etat a fauté, mais ce dossier ne permet pas vraiment de tirer une autre conclusion. Personnellement, je continue de croire à la séparation des pouvoirs.

 

Solidarité Tattes est une association citoyenne qui se bat pour des conditions de vie dignes et pour un accueil inconditionnel des migrant·e·s.